Le suivi effectif de la charge de travail des cadres soumis à un forfait annuel en jour
L’abandon de tout décompte des heures travaillées a pour corollaire le suivi régulier de la charge de travail du cadre qui doit rester « raisonnable » et permettre « une bonne répartition dans le temps de son travail » (article L.3121-60 du code du travail).
Dans ce but, les accords collectifs sur les conventions de forfait annuels en jours prévoient les modalités d’évaluation et de suivi régulier de la charge de travail et les modalités selon lesquelles le salarié et son employeur communiquent périodiquement(article L.3121-64 II du code du travail) .
Aujourd’hui, la plupart des accords collectifs répondent à ces conditions et prévoient, entre autres, la tenue d’un décompte des jours travaillés et l’organisation d’un entretien annuel portant sur la charge de travail, l’articulation entre sa vie professionnelle et sa vie personnelle, sa rémunération et l’organisation du travail dans l’entreprise.
Là où le bât blesse, c’est au niveau de la mise en œuvre effective de ces mesures.
Concernant plus particulièrement la tenue de l’entretien, soit il n’est pas tenu, soit il n’aborde pas tous les items prévus.
Or, les juges sont tenus de vérifier que « l’employeur [a] effectivement exécuté son obligation de s’assurer que la charge de travail de la salariée était raisonnable et permettait une bonne répartition dans le temps de son travail » [1] et « rechercher si les stipulations [de l’accord] qui sont propres à assurer la garantie du respect de la durée raisonnable de travail, ainsi que des repos, journaliers et hebdomadaires, avaient été effectivement mises en œuvre par l’employeur » [2].
Rappelons que le non-respect des mesures prévues prive d’effet la convention de forfait annuel en jours : le temps de travail doit être décompté sur la base de 35 heures ce qui ouvre droit au paiement d’heures supplémentaires.
Quelques recommandations s’imposent donc :
Suivre la règle : « l’entretien, tout l’entretien, rien que l’entretien »
Dans un arrêt rendu par la Cour d’appel de Rouen le 19 septembre 2024, l’employeur affirmait avoir eu des entretiens réguliers avec son salarié.
Il n’avait pas de compte-rendu mais faisait valoir un courriel récapitulatif d’une réunion avec le salarié sur le périmètre de son poste et le recrutement d’un aide-conducteur de travaux en renfort.
La Cour d’appel de Rouen n’est pas de cet avis : aucune de ces mesures ne permettait « d’établir la réalité des entretiens portant sur sa charge effective de travail individuel e travail, l’organisation du travail dans l’entreprise, l’amplitude de ses journées d’activité et l’articulation entre l’activité professionnelle et la vie familiale ». [3]
Ne pas omettre l’un des sujets de l’entretien (charge de travail, articulation vie professionnelle/vie personnelle, rémunération…).
Les entretiens qui se limitent à aborder le seul sujet de la charge de travail ne répondent pas aux conditions posées par la loi [4].
L’absence d’alerte ou de demande du salarié ne dédouane pas l’employeur comme le rappelle la Cour d’appel de Paris le 2 octobre 2024 [5]
« l’association ne justifie pas avoir respecté son obligation d’organisation d’un entretien annuel et ne peut utilement se prévaloir à cet égard de la circonstance que le salarié n’a pas émis le souhait de bénéficier d’un entretien sur sa charge de travail, ni alerté son employeur sur la nécessité d’organiser un tel entretien ».
[1] Cour de cassation Chambre sociale 24 avril 2024 n°22-20-539
[2]Cour de cassation Chambre sociale 2 octobre 2024 n]22-16.519
[3] Cour d’appel de Rouen , 19 septembre 2024, RG n°23/00594
[4] Cour d’appel de Dijon, 17 octobre 2024, RG n°22/00779
[5] Cour d’appel de Paris, 2 octobre 2024, RG n°21/06859