Petite piqûre de rappel sur la rémunération variable
C’est la rentrée et la dernière ligne droite pour atteindre ses objectifs et obtenir sa future prime variable.
C’est aussi le moment de penser aux objectifs de l'année prochaine.
Je constate que la rémunération variable reste un sujet de contentieux malgré des règles pourtant bien établies.
Quand les objectifs doivent-ils être portés à la connaissance du salarié ?
Lorsque les objectifs sont définis unilatéralement par l’employeur, les objectifs doivent être portés à la connaissance du salarié en début d’exercice [1].
Dans cet arrêt, le salarié reprochait à son employeur d’avoir fixé ses objectifs en janvier 2016 alors que l’exercice débutait, au sein de l’entreprise, le 1er octobre 2015.
A défaut de fixer les objectifs en début d’exercice, le montant prévu pour la part variable doit être payé intégralement comme si le salarié avait réalisé ses objectifs.
Est-ce que l’employeur peut modifier le système de bonus d’une année à l’autre ?
Oui sous certaines conditions, répond la Cour de cassation dans un arrêt 12 juin 2024 [2] qui rappelle à quel point il faut veiller au libellé de la clause de rémunération variable dans le contrat de travail.
Dans cette affaire, le contrat de travail prévoyait que le salarié était éligible à une rémunération variable pouvant représenter 35% de son salaire annuel selon un règlement défini par l’employeur, sans autre précision.
Pour l’exercice 2018, l’employeur décide de ne plus fixer d’objectifs individuels mais uniquement des objectifs collectifs.
Le salarié considère que cela impacte les modalités de calcul de sa rémunération variable et que son employeur ne pouvait pas lui imposer cette modification.
La Cour de cassation s’en tient à la lettre du contrat de travail qui prévoyait le principe de la rémunération variable mais pas les modalités de calcul.
L’employeur était donc libre de remplacer les objectifs individuels par des objectifs collectifs.
A l’inverse, si le contrat de travail avait expressément prévu une prime adossée sur des objectifs individuels, l’employeur n’aurait pas pu changer la nature des objectifs sans l’accord du salarié.
C’est ce qu’a jugé la Cour d’appel de Rouen dans un arrêt du 25 avril 2024 : selon le contrat de travail, la prime était calculée en fonction des résultats de l’entreprise.
L’employeur décide de faire dépendre la prime à 20% des performances individuelles des salariés.
Les juges considèrent qu’il s’agit d’une modification qui nécessitait l’accord des salariés [3].
Comment vérifier le calcul de son bonus ?
Lorsque le calcul de la rémunération dépend d’éléments détenus par l’employeur, celui-ci est tenu de les produire en vue d’une discussion contradictoire [4].
Dans cette affaire, le salarié avait contesté le montant de la prime qui lui avait été versée et considérait qu’il lui restait dû 161 600 euros.
La Cour d’appel déboute le salarié aux motifs qu’il n’apportait aucun élément sur la réalisation de ses objectifs ou de critique sur le montant versé par l’employeur.
La Cour de cassation censure le raisonnement : c’est à l’employeur de justifier des éléments permettant de déterminer si les objectifs fixés avaient été atteints.
Il s’agit une véritable obligation à laquelle l’employeur ne peut se soustraire, sous peine de devoir payer 100% de la rémunération variable.
Est-ce que mon employeur peut me priver de ma rémunération variable si je quitte l’entreprise en cours d’année ?
La Cour de cassation juge de manière constante que la prime variable versée en contrepartie de l’activité du salarié s’acquiert au fur et à mesure.
Ainsi lorsque le salarié quitte l’entreprise (licenciement, démission, départ en retraite …) en cours d’année, la prime annuelle doit être calculée en proportion du temps de présence.
On le voit à travers ces décisions : la rémunération variable des salariés reste sous haute protection des juges.
[1] Cassation chambre sociale 31 janvier 2024 n°22-22.709
[2] Cassation chambre sociale 12 juin 2024 n°22-20.946
[3] Cour d’appel de Rouen 25 avril 2024 RGn°23/00087
[4] Cassation Chambre sociale 7 février 2024 pourvoi n°22-12.110 et 13 septembre 2023 n°22-13.298